Episode 1 – D’où viens-tu Caporal Justice ?

Armée_française___nouvel_alphabet_[...]Vanier_Léon_btv1b8426912s (18)out commence au milieu des années 1890. A cette époque, la France a adopté la république depuis près de vingt-cinq ans et l’aide à panser les plaies encore vives de la guerre franco-prussienne.

La IIIème république tente alors de gagner les cœurs et de s’enraciner fermement dans la vieille terre de France… comme elle a su si bien le faire pendant la révolution.
Dans ce dessein, « La Marseillaise » fut instituée hymne national dès 1879. L’année suivante, il fut décidé que la fête nationale soit célébrée au 14 juillet. A cette occasion de la célébration de la prise de la Bastille (et donc en même temps de la décapitation à la scie de son gouverneur par le boucher Jourdan), des bals et autres fêtes de villages sont organisés à travers toute la France.
Fidèle à son idéal de paix et d’unité, la république fait danser le peuple pour l’empêcher de trop penser aux problèmes du quotidien comme par exemple la perte de l’Alsace-Moselle.
À cette époque, la république était encore jeune et fragile. Elle était comme un petit enfant qui regarde le monde avec naïveté et fraicheur. Ses premiers pas étaient hésitants et malhabiles.
Dans le grand concert des nations rompues à l’exercice du pouvoir, la république française faisait figure de petite nouvelle, voire de grimaud. Les élites républicaines, dans les balbutiements du nouveau régime, se cherchaient et bien sûr commirent des erreurs que l’on pourrait qualifier de jeunesse.
Mais à cette époque, les scandales financiers en tous genres n’étaient pas les seuls ni les pires des dangers qui menaçaient l’intégrité du régime.
Dans l’ombre se tenaient les cruels anarchistes. Terroristes fanatiques et autres assassins dégénérés, s’attaquant lâchement aux élus, aux chefs d’Etat et – dans une moindre mesure – aux têtes couronnées.
Dans ce contexte, la république n’avait pas seulement besoin de se faire aimer. Elle avait aussi besoin de martyrs afin d’inscrire sa légende dans les mémoires.
Et cela devenait de plus en plus urgent surtout après la piteuse démission, quelques années plus tôt, du président Grévy suite au scandale des décorations.
C’est ainsi que, fort opportunément, le président Sadi Carnot sera assassiné par l’ignoble, le répugnant anarchiste Caserio.
Petite précision pour les amateurs de jeux de mots douteux : C’est Sadi… Carnot ! Et non Sadique Arnaud, même si le président-martyr est le petit-fils du général Lazare Carnot, l’un des instigateurs du douloureux mais néanmoins nécessaire, génocide Vendéen… Un peu de tenue que diable !
Le président-martyr sera bien évidemment inhumé au Panthéon, sanctuaire laïcard installé dans une église au mépris – bien naturel – du caractère sacré de ces édifices.
Quelques années plus tard, l’iconographie républicaine obtiendra un nouveau président-martyr en la personne de Félix Faure, victime d’une sournoise et brutale fellation meurtrière de la part de l’ignominieuse terroriste Marguerite Steinheil, plus connue sous le terrifiant surnom de « Pompe funèbre ».
Naturellement chansonniers et journalistes, vils ennemis de la république, en profitèrent pour faire de la surenchère en calembours grivois et autres quolibets canailles.
Mais ici, point de cela ! Nous ne mangeons pas de ce pain là, messieurs dames ! Nous savons rester dignes, à l’image de l’irréprochable république.
Etrangement, nous pouvons comparer le destin du président Faure à la tragédie antique des derniers jours de la république romaine. Marguerite Steinheil fut Septimus et Félix Faure fut Pompée.
Malheureusement le Pompée Elyséen n’eut pas droit aux pompeux honneurs du Panthéon. En revanche, l’érection de sa tombe se fit au cimetière du Père-Lachaise. Ultime prison mortuaire sans barreaux, sur laquelle veillent les verges de la Justice. Son gisant, au repos, tel un navire au port et attaché à sa bitte d’amarrage, repose sous un jeune hêtre…car bien sûr, nouvel affront, il n’eut pas droit à un grand et solide chêne noueux surplombant de ses glands la dépouille présidentielle.

Pendant que le sentiment républicain s’affermissait dans le cœur des Français, la république quant à elle, pleurait.
Oui, lecteurs ! La république pleurait, se laissait aller à la tristesse, au dépit car en Europe, cette dernière se sentait bien seule.
Cernée par de hideuses et arrogantes monarchies. Belgique, Italie, Allemagne, Portugal, Autriche-Hongrie, Espagne, Russie… à quoi donc avaient servi les missions libératrices de la Ière république et des croisades napoléoniennes ? Sitôt le citoyen-Empereur bardé de chaînes et exilé dans la solitude glacée et inhospitalière des antipodes océaniques, l’Europe en profita pour se vautrer à nouveau et avec une complaisance coupable, dans l’illusoire et éphémère stabilité des monarchies… cette éphémère stabilité, justement, qui dure depuis tout juste… plus de mille ans ! Pauvre Europe !
A cette époque, les rois, les reines et les empereurs d’Europe s’étaient lancés dans la conquête coloniale dans l’unique but d’accroitre leurs possessions et leurs dominations.
La république, elle, s’était lancée dans cette même aventure car son idéal, son essence, la poussait vers la glorieuse et humble mission d’élever les peuples vers le progrès social, scientifique et technique… le progrès démocratique en somme !
A la fin du siècle précédent, cet idéal avait été en vain apporté aux peuples d’Europe mais rapidement les Danton, Robespierre et autres Bonaparte, durent se rendre à l’évidence. L’Europe était devenue trop civilisée pour accepter l’idée même de progrès.
En revanche, l’Afrique semblait être comme une terre promise pour la diffusion de l’idéal de progrès démocratique.
D’ailleurs, dans l’un de ses discours mémorables, le grand Jules Ferry n’a-t-il pas déclaré que les peuples inférieurs, que sont notamment les sauvages Africains et que certains de nos grands républicains surnomment affectueusement « Bamboulas », avaient le droit d’accéder à ces mêmes progrès ?
C’est dire la générosité de la république !

Mais en dehors de toutes ces considérations – le péril anarchiste, l’aventure coloniale – la république devait supporter le voisinage de son bourreau : l’Allemagne !
Malgré les quelques vingt-cinq ans qui séparent le début de notre histoire de la fin de la guerre franco-prussienne, l’humiliation, l’injustice, la souffrance se font encore durement sentir.
Depuis près de vingt-cinq ans, ce ne sont que tensions et provocations de la part de cet ignoble peuple de macaques putrides et dégénérés.
Combien de fois résonnèrent dans les obscurs corridors du Reichstag, les murmures interlopes et autres complots sournois dans l’unique but de pousser notre belle république pacifiste à la guerre ?
Que pouvait-il bien se passer dans le cerveau malade et pervers d’un Bismarck ? Quelle dépravation morbide peut bien motiver un Caprivi ?
Voici donc, chers lecteurs, à quoi est confronté notre malheureuse mais néanmoins fière et forte république dans les années 1890.

La situation n’est guère brillante, me direz-vous, et de plus, tensions diplomatiques et provocations militaires en tous genres, ne cesseront d’empirer jusqu’à l’issue fatale.
Mais dans ces mêmes années 1890, allait naître un espoir, une promesse. Ce que la France sait faire de meilleur : un héros, un justicier. Le Caporal Justice !

« Mais qui quoi donc est-ce ? » me direz-vous, tout curieux que vous êtes.
Le Caporal Justice est tout bonnement l’héritier de ces êtres surhumains et absolument exceptionnels qui jalonnent l’histoire de notre beau et magnifique pays. Jeanne d’Arc, Bayard, Mandrin, Turenne, Du Guesclin, d’Artagnan et tant d’autres… Etrangement, la France est le seul pays au monde à produire de telles personnes… vraiment curieux !
Le Caporal Justice sort tout de même du lot puisque ce dernier apparaît à la confluence de l’avènement du citoyen-soldat et de la guerre industrielle. Il sera le premier super-héros militaire certifié, garanti et même étiqueté « origine France ». Nourrit aux fayots et au vin rouge, il aura aussi une certification bio.

De son vrai nom, Albert Pistache, il naît le 5 mars 1895 à Chantemerle-lès-Grignan, dans le département de la Drôme, entre Rhône et Alpes, fleuve et montagnes.
C’est un bébé rondouillard aux petites fesses roses et potelées qui répond par le rire aux grimaces débiles de son père.
« Ma Florentine, disait-il fier comme un coq de concours, le queniot l’est point loupé ! »
Ses parents, Amédée et Florentine Pistache, élevèrent leur petit gars dans la religion catholique, dans le dévouement envers la France mais surtout dans l’amour de la justice… pas celle rendue par un juge couard et incompétent mais plutôt celle qui amène des emmerdes.
D’un point de vue carrure physique, Albert était un avorton mais d’un point de vue mentalité, il se révéla très vite aussi audacieux qu’un sanglier.
À l’école, les terreurs de cour de récré voulurent le prendre comme tête de turc mais Albert leur rentra aussitôt dans le lard. Il perdit ainsi de nombreuses bagarres car il était seul contre cinq ou six mais rapidement les petites terreurs se lassèrent et laissèrent Albert tranquille… mais il n’en avait pas fini avec eux puisque ces derniers se tournèrent vers une autre victime qu’Albert défendit sur-le-champ.

Le directeur de l’école, inquiet de ces bagarres à répétition, convoqua les parents d’Albert, qui eux se révélèrent inquiets pour les plaies et bosses qui n’avaient pas le temps de guérir.

– Monsieur, madame Pistache. Commença le directeur. Je suis préoccupé par l’attitude vindicative de votre fils.
– Nous, nous sommes préoccupé par l’insécurité qui règne dans votre école ainsi que par l’impunité de ceux qui violentent notre enfant.
– C’est que Albert, plutôt que de se laisser faire sagement, se défend et forcément ses agresseurs sont obligés de répliquer… et désormais, votre fils a l’idée saugrenue de défendre les autres…
– C’est parce que je ne suis pas une grosse fiotte comme toi, tête de bite ! Rétorqua Albert au directeur.

Albert devint ainsi la bête noire des instituteurs, véritables chevaliers blancs de la république… surnommés d’ailleurs « les Hussards noirs ».
Fort heureusement l’école ne s’occupe que de l’instruction. L’éducation étant la responsabilité des parents, papa et maman Pistache enseignèrent à leur fils qu’ils devaient toujours s’efforcer de défendre les plus faibles et qu’il ne devait pas écouter les affligeantes leçons de dérobade des lâches et autres couilles-molles certifiés par l’état.
Les parents d’Albert lui enseignèrent aussi l’un des mystères les plus impénétrables de la culture française : la joie de vivre.
L’enfant était déjà adepte de plaisanteries franchouillardes, de réparties cinglantes et laconiques. Question bouffe, il se tenait mieux à table qu’une bique sur les cornes et promettait, dès l’âge venu, de biberonner aussi facilement qu’un juteux de service de l’infanterie coloniale.
Albert était donc tout le contraire d’un enfant ombrageux. Rigolard et heureux de vivre, il pouvait toutefois entrer dans de terribles colères lorsqu’il sentait que quelqu’un voulait lui baver sur les harpions… et c’était encore pire s’il s’agissait du drapeau français où même de l’église.
En 1906, des gendarmes accompagnèrent un agent de l’état au village de Chantemerle-lès-Grignan dans le cadre des inventaires.
L’officier de gendarmerie qui était à la tête de la petite expédition anti-cléricale, le lieutenant Val, avait mauvaise réputation. Il avait déjà sévis contre plusieurs églises. On racontait qu’il avait rosser et bastonner les femmes et les enfants venus s’opposer à lui et ses hommes par la prière. Il avait lui-même fracturé les tabernacles des églises qu’il avait ainsi profané et s’était partagé le butin avec ceux qui l’accompagnaient.
Ce jour-là, à l’église de Chantemerle, Albert officiait comme enfant de chœur et l’officier de gendarmerie allait apprendre que le gamin n’en était pas un, d’enfant de chœur !
Albert se tenait devant le tabernacle, barrant le passage aux pilleurs d’églises. Le lieutenant s’approcha d’Albert et lui commanda de dégager le passage.

– Certainement pas ! Répondit le courageux gamin.
– Tu oses entraver la mission des agents de l’état ?
– Non, j’empêches une profanation… et ta mère est une coureuse de remparts !

Albert balança un grand coup de pied dans les couilles de l’officier qui se plia en deux de douleur.
« Barrez-vous, tas d’enculés ! » Cria Albert aux autres qui s’empressèrent d’évacuer le lieutenant Val en bien fâcheuse posture.
L’affaire devint grave. Le lieutenant du être amené d’urgence dans un hôpital. Le coup de pied qu’il avait reçut dans les noisettes lui avait carrément fait sauter la couille droite. Il avait la burne out !
Opéré d’urgence, les médecins durent l’amputer de son testicule qui menaçait de se gangréner… il n’y a rien de pire que la gangrène de la couille !
Le lieutenant Val, alité et diminué (il n’y avait plus de cohabitation possible en l’absence de la droite), jura de se venger de ce maudit gamin.
Entre-temps le gouvernement décida de suspendre les inventaires mais ayant tout de même un authentique héros sous la main, le président de la république décernera au lieutenant Val la légion d’honneur pour sa bravoure face à un garçon de onze ans.

Bien des années passèrent. Albert grandit mais ne gagna pas du tout en masse musculaire. Il dépassait à peine le mètre soixante pour un peu plus de cinquante kilos tout mouillé. Toujours aussi malingre, Albert n’en avait pas pour autant perdu son mordant. La petite teigne de Chantemerle était aussi buté qu’une mule, aussi hargneux qu’un chat sauvage et aussi téméraire qu’un chien de berger face aux loups.
Depuis quelques années il travaillait aux champs avec son père. Même pour cela, il mettait un point d’honneur à abattre le travail de deux ouvriers.
En 1914, l’Europe traverse une période de tranquillité tout juste troublée par quelques faits divers et anecdotiques… jusqu’à ce mois de juin où durant une visite d’état, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, est assassiné dans les rues de Sarajevo.
Durant le mois de juillet la diplomatie s’emballe puis à partir du 28 juillet, les déclarations de guerre entre les différents états, jettent l’Europe dans la guerre.
Tout juste âgé de dix-neuf ans, Albert Pistache décide de s’engager au désespoir de ses parents mais le conseil de révision le refuse car il le trouve un brin pâlichon.
« C’est une blague, mon p’tit gars ! S’exclama l’officier recruteur en rigolant. Le fusil que l’armée te fournirait serait plus grand et plus lourd que toi. Rentre donc chez ta môman, minus… ici, c’est l’armée, on ne veut pas d’avorton. »
Les parents d’Albert furent soulagés par la décision pleine de sagesse du conseil de révision. Leur grand bébé bagarreur n’irait pas attraper un mauvais coup et la ferme avait besoin de bras. Florentine irait brûler un cierge à la bonne Vierge et Amédée alla s’excuser auprès de l’officier recruteur dont le nez en sang avait malencontreusement rencontré le poing de son fils.
Mais Albert voulait absolument se battre, faire sa part dans la défense de la patrie. il décida de quitter la ferme sans prévenir ses parents et vint se présenter à un camp d’instruction qui l’affecta au 27ème bataillon de Chasseurs Alpins.
Malgré sa volonté et sa ténacité, Albert sera mal noté par ses supérieurs et sera finalement relégué au poste de nettoyage des gouttières.

Depuis plusieurs années, les grandes nations européennes se préparaient à la guerre. Les grandes puissances développaient leurs industries et tissaient des alliances. Une course aux armements s’ensuivit sous le sceau du secret. C’est ainsi que, par exemple, des crédits importants pour le développement d’une arme secrète seront votés par les députés Français sans que ceux-ci sachent dans quel but exactement. Sans le savoir, les politiciens avaient validés l’étude et la fabrication du célèbre canon de 75.
Mais il n’y avait pas que l’artillerie qui bénéficiait du secret défense. Les scientifiques de l’armée travaillaient aussi au dévellopement d’armes nouvelles et terrifiantes : les armes chimiques.
Certaines de ces armes seraient utilisés sous forme de gaz de combat afin d’asphyxier les soldats ennemis mais certains chercheurs oeuvraient sur des formules agissant autrement sur le vivant.
Le professeur Crepeau-Sarrazin travaillait sur une formule améliorant de manière permanente les compétences physique de son sujet.
D’origine bretonne, le professeur Crépeau-Sarrazin était issu d’une vieille et longue lignée de druides. Ses ancêtres s’étaient transmis de génération en génération un penchant certain pour les boissons distillées mais aussi le secret d’une étrange préparation que l’on nommait la « potion magique ».
Malheureusement le secret se perdit lorsque le père du professeur mourut dans un terrible accident avant d’avoir transmit son secret à sa descendance.
Une nuit, sous l’emprise de l’alcool, il s’était endormi dans un champs. Le lendemain avec la rosée du matin, on le retrouva mort, étouffé par des centaines d’escargots sauvages et sanguinaires.
Depuis ce drame, le professeur cherchait à recréer la formule rendant invincible. Il travailla avec acharnement pendant plusieurs décennies. Soumettant son projet au ministère de la guerre, celui-ci lui alloua un laboratoire et des crédits pour ses recherches… et enfin il approchait du but.
Le professeur Crépeau-Sarrazin avait désormais besoin d’un cobaye humain. Il recherchait bien sûr un volontaire parfaitement conscient des dangers auxquels il s’exposerait à tester un tel procédé mais le professeur voulait aussi un petit gabarit doté de grandes qualités morales, un patriote, vaillant et éprit de justice.
Dans ce but, le professeur visita de nombreuses casernes et observa les soldats qu’on lui présenta mais il y avait un problème : ils étaient déjà tous parfaits. (ce sont des Français !)
Toutefois, alors qu’il visitait le casernement du 27ème bataillon de Chasseurs Alpins, il eut la surprise de tomber sur une espèce de microbe en train de récurer les gouttières d’un bâtiment.

– Comment vous appelez-vous, soldat ?
– Je m’appelles Albert Pistache.
– Vous m’avez l’air de taille bien modeste pour un Chasseur.
– Et toi, tu m’as l’air d’avoir un peu trop de dents dans ta large gueule, tu veux que je t’en fasses sauter quelques unes ?

Le professeur avait enfin trouvé son cobaye. Il informa Albert de son projet mais aussi des éventuels effets secondaires qu’ils pourrait subir suite aux injections qu’on lui ferait.

– Cette formule, connue de moi seul, devrait vous faire gagner au moins vingt centimètres de haut et multiplier par deux votre masse musculaire. Vous force serait prodigieuse et vous seriez insensible à la plupart des armes ennemies.
– Et si ça foire ?
– Vous seriez aussi ratatiné qu’une pomme tapée et en plus vous deviendriez aussi con qu’un hamster. Votre corps ne serait plus alors qu’une misérable plaie purulente et vous seriez obligé de vivre tout en supportant d’atroces souffrances… mais je vous rassure, afin d’éviter tout danger, notamment une contamination par des agents pathogènes que votre corps se mettrait à produire, le protocole nous obligerait à vous tuer en vous brûlant vif à coup de lance-flammes.
– Vous avez l’air de bien vous marrer dans votre laboratoire… je suis votre bonhomme.

Albert fut donc transféré du 27ème bataillon de Chasseurs Alpins au laboratoire secret de l’armée dans lequel travaillait le professeur Crepeau-Sarrazin.
L’expérience sur cobaye humain eut lieu en présence de plusieurs autres scientifiques mais aussi devant un parterre d’officiers d’état-major plutôt dubitatifs quant au gabarit du soldat choisi par le professeur.
Albert fut installé dans une cabine gainée de plomb. Des assistants du professeur lui installèrent de nombreuses perfusions dans les bras et dans les jambes avant de refermer la porte de la cabine.
Sur un signe du professeur, un de ses aides actionna une commande qui injecta dans le corps d’Albert plusieurs produits chimiques de différentes couleurs.
Dans la cabine gaînée de plomb, des bruits effroyables se firent entendre ainsi que les cris d’Albert. Des éclairs illuminèrent l’intérieur de la cabine.
Les militaires et les confrères du professeur se demandèrent si l’expérience n’était pas en train de foirer lamentablement.
Le calme revint enfin. Le silence était retombé, l’expérimentation était terminée… mais avait-elle fonctionné ?
Les assistants du professeur ouvrirent les portes de la cabine… et tout le monde fut stupéfait du résultat.
Albert était grand, beau, fort et musclé. L’expérience avait réussie, le professeur avait redécouvert la potion magique de ses ancêtres druides et pourrait en faire bénéficier toute l’armée française.
Mais alors que scientifiques et militaires se lançaient dans l’exécution d’une bourrée auvergnate de la victoire tout en débouchant quelques bouteilles de champagne, l’un des assistants s’approcha du professeur et lui planta un poignard dans le dos.
« Deutschland ûber alles, bande de cons !… Muahahahahah ! » Rugit l’ignoble espion, tel un animal sauvage.
Son forfait accompli, l’espion Allemand prit la poudre d’escampette en se vantant d’avoir assassiné un Breton… l’enculé !
Albert partit à la poursuite de l’espion qu’il rattrapa bien vite. Il le saisit à l’une de ses chevilles et lui fit faire de grands arcs de cercles au-dessus de sa tête, battant violemment et régulièrement le sol d’un côté puis de l’autre.
« Pourquoi t’as tué le professeur, enculé ? » Hurla Albert.
« Aïe ! Ouille ! Heil, heil, heil ! Ouille ! » Répondit l’espion.
Albert revint dans le laboratoire en trainant par le pied l’espion dont il avait complètement explosé la gueule.
Les autres scientifiques et les officiers d’état-major étaient penchés sur le corps du professeur Crepeau-Sarrazin. Il n’y avait plus rien à faire pour lui.

Le professeur avait emporté avec lui le secret de sa formule. Les militaires décidèrent donc de mettre fin au projet « potion magique ».
Le cas d’Albert restait épineux. Que faire de cet avorton subitement transformé en Apollon… après tout, il était un sujet d’expérience et l’état-major décida qu’il le resterait.
Albert fut confiné au secret dans un centre d’expérimentation de l’armée. Les scientifiques et les ingénieurs militaires firent d’incroyables découvertes sur les nouvelles compétences d’Albert. Sa force était décuplée, la régénération de ses tissus était accélérée, sa résistance à la douleur était impressionnante. D’un mètre cinquante-neuf auparavant, il mesurait maintenant un mètre quatre vingt quinze. Sa masse musculaire avait triplée, il avait maintenant de superbes muscles bien dessinés.
Avec l’autorisation d’Albert, on fit le test de sa résistance à différents types de munitions. A chaque fois, celles-ci rebondissaient sur son épiderme comme s’il se fut agi de simples balles de tennis. Le feu, les gaz toxiques et les liquides corrosifs n’avaient aucun effet sur lui.
Les scientifiques étudièrent des prélèvements de sang d’Albert afin de retrouver la combinaison chimique des composés auxquels il avait été soumit mais personne ne put reproduire la formule créée par le professeur et qui avait métamorphosé le petit Chasseur Alpin du 27ème BCA.

IDShot_540x540Peu de temps après, on s’aperçut qu’Albert prenait beaucoup de poids. L’institution militaire et scientifique le choyait un peu trop. Les généraux ordonnèrent de le mettre à la diète parce qu’un soldat grassouillet, ce n’était pas réglementaire.
En l’espace d’une dizaine de jours, Albert avait retrouvé une taille fine et svelte mais en revanche ses nombreux pouvoirs s’estompaient en même temps que sa bonne humeur.
Un jeune scientifique découvrit que la diète était inutile pour Albert mais qu’un peu d’exercice suffisait à faire fondre le mauvais embonpoint. De plus, ce même scientifique découvrit que les supers pouvoirs d’Albert se régénéraient grâce à l’importante absorption de vins, notamment ceux d’Anjou (les seuls contenant de supers nutriments protéiques phosphatés à variation subatomiques).
Les supers pouvoirs ainsi que la bonne humeur revenaient grâce aux pinards d’Anjou. Les généraux passèrent une commande impressionnante auprès des vignerons du Maine-et-Loire.

 

1915.
Les scientifiques faisaient passer une nouvelle batterie de tests de résistance à Albert qui avait récemment obtenu le grade de caporal à titre symbolique. Il s’agissait de voir si ce dernier pouvait résister à un fort courant électrique.
Apparemment oui puisque ce dernier n’arrêtait pas de rigoler, même à plus de 3000 volts. Des officiers supérieurs assistaient aux tests depuis une salle séparée par un puissant vitrage.

– Il est incroyable ce caporal ! Fit l’un des officiers.
– Et qu’est-ce qu’il est fort !
– Et surtout qu’est-ce qu’il peut boire comme pinard !
– Que sait-on sur le mélange chimique qui l’a rendu invincible… et aussi tellement beau ?
– Peu de chose ! Les scientifiques ont bien tentés de reproduire la réaction mais sans succès. L’espion Allemand qui a assassiné le professeur Crépeau-Sarrazin a en même temps permit la disparition de la formule de la potion magique. C’est une perte définitive et irréparable.
– Il nous reste tout de même ce super soldat.

Un général quatre étoiles s’approcha et déposa sur une table un épais dossier, celui du caporal Pistache.

– Certes il est très fort et très résistant seulement il est aussi très con. Fit remarquer le vieux général. Les résultats de ses tests physiques sont concluants mais les rapports concernant son intellect sont particulièrement désastreux. Ce pauvre garçon est une teigne enragée mais il est à peine plus évolué qu’un adolescent de quinze ans. Le professeur Crépeau-Sarrazin avait écrit dans l’une de ses notes qu’une exposition prolongée à sa fameuse potion magique pouvait provoquer une régression mentale chez le sujet… le caporal Pistache s’en tire bien, il est juste redevenu immature alors qu’il aurait pu devenir aussi con qu’une huître.
– C’est vrai mon général mais, bien commandé, le caporal pourrait remplacer une armée à lui tout seul.
– On ne peut pas demander à tous nos soldats d’être des prix d’excellence. Reprit le vieux général. Mais il faut dans chaque régiment des soldats intelligents afin de contrebalancer la bêtise des autres qui peuvent s’avérer être des sous-officiers voire des officiers. Peu m’importe les pouvoirs de ce caporal, notre pays est en guerre, l’ennemi occupe une partie de notre territoire national et ce n’est pas un seul homme qui la remportera mais des milliers de fantassins, de cavaliers et d’artilleurs. Ce pauvre garçon est peut-être fort sympathique au demeurant mais c’est un crétin et c’est pour cette raison que ses pouvoirs le rendent dangereux. Adieu messieurs.

Ainsi avait parlé le général Foch, qui s’en alla.
Le général n’était pas le premier à refuser que le caporal Pistache rejoigne le front dans les rangs de son corps d’armée. En fait personne ne voulait de lui.
L’autorité militaire avait-elle peur de ses super pouvoirs ou de sa super connerie ? Toujours est-il que c’était rien que de la discrimination… Il y a des gens qui ont le droit d’être différents, merde… et toc ! Prend ça dans ta gueule, vilaine discrimination !
On annonça à Albert le refus que venait de lui opposer le général Foch. Un de plus.

– Saperlipopette de saperlipopette ! S’écria-t-il. Qu’est-ce qui leur faut à ces cons de gradés ? Que je m’envole en faisant tournoyer ma bistouquette ?… Je pourrais peut-être essayer !
– Vos pouvoirs les ont impressionnés, c’est certain ! Répondit un scientifique. Mais vu ce qui se passe sur le front, ils auraient souhaités quelqu’un d’un peu plus sérieux. Surtout ils préfèrent s’en remettre à la force du nombre que constituent les armées françaises.
– À votre avis, je ne suis pas sérieux en voulant réintégrer un régiment pour aller me battre ? Je suis parfaitement conscient que si je suis utilisé au combat, je permettrais à des centaines de soldats de rentrer chez eux vivants… et surtout j’en ai marre d’être enfermé ici pour vos tests à la con !
– Je suis désolé caporal Pistache mais en attendant, les ordres de l’état-major sont stricts : Vous ne devez sous aucun prétexte quitter le centre scientifique.
– L’état-major je lui pisse à la raie !
– C’est pour ce genre de comportement que les officiers ne veulent pas de vous.

Albert se mit à bouder et rumina un subtil plan pour s’évader du centre et rejoindre le front pour enfin aller se battre.
Grâce à force surhumaine, il défonça tout simplement le mur de sa cellule puis le suivant, et encore celui d’après… tout en subtilité !
Il se fraya ainsi un accès vers la liberté et l’accomplissement de son devoir de patriote. Les gardes du centre l’interpellèrent.

– Qu’est-ce tu fiches, caporal ? C’est de la désertion.
– Mais je ne déserte pas, je pars pour le front… pour faire la guerre.

L’évasion du caporal provoqua la panique chez les officiers d’état-major, déjà que les Allemands ne leur laissaient aucun répit, il fallait en plus qu’un super soldat s’évade d’un centre sécurisé.
L’affaire fut confié aux bons soins des cohortes républicaines (héritières des glorieuses colonnes infernales et élite des troupes de répression du peuple).
L’officier commandant les cohortes était une vieille connaissance d’Albert. Il était passé capitaine mais sa couille gauche était toujours orpheline de la droite.
Le capitaine Emmanuel Val avait une prestigieuse carrière. En 1891, il appartenait au 145ème régiment de ligne et avait ouvert le feu sur les ouvriers de Fourmies. On raconte même qu’il se serait particulièrement acharné sur la redoutable et très dangereuse terroriste Ernestine Diot.
En 1906, il sera grièvement blessé lors de la querelle des inventaires mais vite rétabli, il se plongea de nouveau dans le travail et la répression.
En 1907, il se distingue à Narbonne en fusillant courageusement des ouvriers et des viticulteurs désarmés. Déjà détenteur de la légion d’honneur, Emmanuel Val sera fait officier du prestigieux ordre de la république pour ce haut fait d’armes.
Après avoir sauvé la république des ouvriers, des viticulteurs, des enfants et des catholiques, le capitaine était donc appelé à une nouvelle mission : traquer et arrêter le caporal Pistache par tous les moyens possibles.
Il fut mis au courant des super pouvoirs du caporal Pistache ainsi que du patriotisme de ce dernier. Le capitaine Val haïssait le patriotisme. L’ordre de l’état-major de ne rien divulguer sur les compétences du caporal mais plutôt de le faire passer auprès des populations pour un traître et un espion à la solde des Allemands, s’accommodait bien avec l’esprit pathologiquement dérangé et vicieux de l’officier des cohortes.
L’impitoyable traque était lancée. Le capitaine et ses hommes avaient tous pouvoirs afin d’exécuter leur mission. Neuf ans après avoir perdu sa couille droite, Emmanuel Val tenait enfin sa vengeance.
Les cohortes républicaines ciblèrent avant tout les gares dont les trains allaient vers Paris. A celle de la ville d’Orléans, le personnel fut interrogé puis rudoyé. Le chef de gare gisait à terre, assommé. Les agents des guichets étaient tenus en respect contre un mur par deux gardes des cohortes qui les menaçaient de leurs armes tandis qu’un sous-officier se remplissait les poches avec l’argent de la caisse.
« On s’est donné du mal pour vous faire cracher que vous n’aviez pas vu l’espion qu’on recherche, c’est normal qu’on prenne une petite compensation. » Déclara le sous-officier.
Les chenapans osèrent ensuite outrager une jeune et jolie guichetière.
« Montre-nous tes mollets, gourgandine ! » Crièrent les gardes pervers. La jeune femme, terrorisée, dut obéir à la menace et releva ses jupons. Les fripons de barrières se régalèrent à la vue de ces jambes blanches que leur goût du stupre avait ordonné de dévoiler.
Lorsqu’ils sortirent des bureaux de la gare, ils se retrouvèrent nez à nez avec celui qu’il recherchait.

– Profiter de vos uniformes et de vos pouvoirs de police pour maltraiter d’honnêtes citoyens et piquer dans la caisse. Vous n’êtes qu’une bande de crapules. Fit Albert en giflant le sous-officier.

Ce dernier vola à travers le hall de la gare et s’écrasa sur le sol sous une pluie de dents cassées. Les autres gardes se jetèrent sur Albert mais ils se retrouvèrent rapidement terrassés et la gueule encastrée dans une poubelle.
Le sous-officier se releva et menaça Albert.

– Ve le dirai au capitaine Val.
– Val ? Comme ce gendarme qui voulait profaner l’église de mon village et que j’ai estropié d’une burne ?
– F’est lui et il va te mettre la mivère, efpèfe d’imbéfile !
– Tu n’as qu’à lui dire qu’il pourra me retrouver à Paris mais qu’il fasse vite, j’ai une guerre sur le feu… et… tu devrais ramasser tes chicots, ça fait désordre.

Albert ramassa l’argent volé par les gardes et le remit à la jeune et jolie employée des guichets.

– Oh ! Merci d’être venu à notre secours, beau caporal. Dit-elle en battant des paupières. Si vous saviez ce qu’ils m’ont faits subir. Ils m’ont obligés à relever mes jupons pour voir mes mollets… tout nus.
– Euh… ! Ah bon ? Vous ne portez rien sur vos mollets ?
– Non. Même que parfois lorsqu’il fait chaud, je relève mes manches… jusqu’aux coudes.
– Holala ! Jusqu’aux coudes ? Vous voulez dire les deux coudes en même temps ? Vous êtes un peu coquine mam’zelle… vous pourriez vous faire arrêter pour exhibition.
– Je suis une vilaine suffragette.
– Grrr ! Z’êtes drôlement mignonne… !
– Oh ! Caporal, vous bavez ?
– Je… C’est l’anxiété… de partir à la guerre. Fit Albert en s’essuyant la bouche. Je bave abondamment lorsque je suis proche du danger.
– Oh ! Ça doit être pratique pour lécher les timbres.

Albert préféra écourter la conversation, cette dernière menaçait de tourner au désavantage de l’uniforme français.
Il quitta aussitôt Orléans et très rapidement les cohortes républicaines investirent la capitale à la recherche de leur super proie.
Le capitaine Val ainsi que de nombreux gardes, s’étaient mis en planque dans les abords de la gare de l’Est, passage obligé des troupes qui partaient en renfort sur un front qui venait à peine de se stabiliser.
L’officier des cohortes montait la garde dans la salle des pas perdus, camouflé en badaud et faisant semblant de lire un vieux numéro du Miroir.
Cela faisait plusieurs heures qu’ils attendaient l’arrivée du caporal. La faim commençait à tirailler le capitaine lorsqu’une petite fille passa près de lui. L’enfant, qui tenait dans ses bras un doudou lapin, était en train de s’empiffrer de chouquettes.
D’un geste vif et assuré, Emmanuel arracha le paquet de chouquettes des mains de la fillette et commença à boulotter les pâtisseries.

– Maieuuh ! C’est mes chouquetteuh ! S’exclama la fillette.
– Maintenant c’est les miennes, dégage sale morpion !
– T’es un vilain, t’es pas beau et je vais le dire à mon papa !
– Tu sais ce que tu viens de faire ? Tu viens d’insulter un officier des cohortes républicaines. Ça va te coûter très cher, petite. Heureusement que la république a institué des bagnes pour enfants afin de dresser les mal élevés comme toi.

Le capitaine fit signe à deux autres gardes en civil qui se saisirent de la terrible sauvageonne. La fillette se mit à pleurer mais les gardes ne furent pas dupes. Ces petits êtres machiavéliques savaient parfaitement utiliser les sentiments de compassion d’autrui pour les attendrir, les tromper et finalement les agresser sauvagement.
Alors que les gardes embarquaient l’enfant, un cri se fit entendre. Le caporal Pistache, fidèle à ses promesses, intervenait en poussant le terrible cri de guerre du 27ème BCA : « Vivre libre ou mourir ! »
Il donna un coup de pied dans le ventre au premier garde qui le fit voler à travers la salle des pas perdus et le deuxième se retrouva encastré dans un taxi.
Le capitaine Val voulut se saisir du caporal mais ce dernier, trop rapide, lui envoya un coup de croquenot dans les gencives puis le força à lui embrasser le cul.
Albert péta à la gueule de l’officier, manquant de peu de le tuer par asphyxie. Emmanuel reprit difficilement son souffle mais parvint tout de même à menacer le caporal.

– Tu ne peux aller nulle part. Tous les trains sont surveillés par les cohortes républicaines, ils sont tous armés jusqu’aux dents.
– Je le sais et c’est pour cela que je vais rejoindre le front grâce à ma super rapidité.
– Quoi ? Alors pourquoi avoir rejoint cette gare ?
– Parce que je savais que vous y seriez et que j’avais besoin de me mettre un peu en jambe avant de botter les fesses des Allemands.
– Mais t’es complètement con ?
– Je préfère être con plutôt que de martyriser des petites filles.

Albert offrit à la fillette un nouveau paquet de chouquettes. L’enfant partagea ses pâtisseries avec le caporal et tous les deux s’empiffrèrent en narguant le capitaine. Albert quitta ensuite la gare et Paris en filant aussi vite que le vent.
La fillette en profita pour latter la gueule du capitaine Val à coups de souliers vernis puis avec de violents coups de doudou lapin.

– Pitié ! Suppliait Emmanuel.
– Je ne lâche rien, espèce de pignouf ! Rétorqua la fillette d’un ton vengeur.

Quelques heures plus tard, le caporal Pistache arriva incognito sur le front en Artois. Il se greffa à une division d’infanterie et partit vers les premières lignes pour sa première bataille. Il décida de se faire discret en n’utilisant ses pouvoirs que pour le strict minimum.
Le capitaine Val et les gardes des cohortes républicaines arrivèrent dans la région quelques jours plus tard. Albert et les autres soldats venaient d’être relevés et se reposaient non loin de la zone des combats. Les gardes des cohortes se mélangèrent à la troupe et commencèrent à interroger les soldats, n’hésitant pas à les menacer du peloton d’exécution s’ils ne livraient pas d’eux-mêmes un certain caporal Albert Pistache, un traître et un espion.
Albert faillit à nouveau intervenir contre les gardes. Une demi-douzaine d’entre eux avait pris à parti un jeune engagé volontaire tout juste sorti des jupons de sa mère. Ils commencèrent à le rouer de coups et à l’insulter.
« Alors ! Comme ça on joue aux petits soldats ? » « Nous les gardes des cohortes républicaines, on est à l’arrière, bien à l’abri, on vous surveille. » « Pendant que les Boches vous tireront dessus, on vous donnera des coups de baïonnettes dans l’cul pour vous donner du cœur à l’ouvrage. »
Un haut gradé, en visite d’inspection parmi la troupe, intervint et tout le monde se mit au garde-à-vous. Albert reconnut immédiatement le général Foch.

– Les cohortes républicaines ! Dit-il avec mépris. Vous êtes décidément la honte de la France. Aujourd’hui vous molestez ceux qui partent défendre la France et demain ? Si on vous ordonne d’arrêter des femmes et des enfants, vous le feriez ?
– Ben… mon général, si ce sont les ordres… !

Foch gifla le garde de sa cravache pour le faire taire.

– Il suffit ! Votre insolence me donne de l’urticaire et je n’aime pas me gratter devant tout le monde. Qu’est-ce que vous faites ici ?
– Mon général, nous sommes aux ordres du capitaine Val et nous recherchons un caporal du nom d’Albert Pistache. Il s’est enfui d’un centre scientifique et d’après les témoignages il se trouverait quelque part dans les zones de combat. On l’accuse d’espionner pour le compte des Allemands.
– J’ai déjà vu ce caporal. Je sais à quoi il ressemble. Il est bien loin d’être un espion à la solde de l’ennemi mais si d’aventure mes hommes le croisent, ils le mettront aux arrêts de rigueur. Maintenant foutez-moi le camp, vermines de gardes d’opérette !

Les gardes obéirent et s’en allèrent. Albert savait maintenant à quoi s’en tenir. Il ne devait pas être reconnu mais en même temps quelle belle occasion de prouver au général Foch son utilité en tant que soldat.
La bataille de l’Artois faisait rage. De retour en première ligne, Albert, le visage caché par un gros foulard, se porta volontaire pour neutraliser un nid de mitrailleuse ennemie.
« C’est entendu, caporal ? Lui dit l’officier. Vous détruisez la mitrailleuse, vous neutralisez les deux Allemands qui la servent et vous revenez dans nos tranchées. »
Albert passa le parapet protecteur de la tranchée française et commença à ramper vers les lignes ennemies, droit la mitrailleuse désignée.
Dans les positions françaises, les hommes observaient le camarade téméraire avancer silencieusement vers le danger.
« Mais au fait, s’exclama l’officier, c’est qui ce caporal ? Et qu’est-ce qu’un Chasseur Alpin fiche au milieu des gars de l’infanterie ? »

Pendant ce temps, Albert était parvenu jusqu’aux lignes allemandes. Il s’était arrêté près de la cheminée d’un poêle auprès duquel plusieurs Allemands venaient se réchauffer et discuter.
Albert prit une poignée de grenades, les dégoupilla et les jeta dans le conduit de cheminée puis écouta.
« Ach so ! Was ist das ? »
« Ach ! das ist grenades ! »
Une violente explosion s’ensuivit. L’abri fut réduit en miettes et les Allemands croyant être attaqués par au moins deux divisions, se rendirent avec leurs armes dont la fameuse mitrailleuse.

L’officier d’infanterie et les copains de la biffe étaient sur le cul. Ce caporal des Chasseurs Alpins ramenait la mitrailleuse, cent cinquante prisonniers Allemands et une cuisine mobile bien remplie.
Lorsque les soldats Français ouvrir la cuisine mobile, ils y découvrirent l’un des mets les plus délicats qui soit et Albert, victorieux, cria : « C’est saucisse purée pour tout le monde… y compris les prisonniers ! »
Les soldats Français et Allemands acclamèrent le héros. L’officier s’approcha et lui demanda qui il était et pourquoi il n’était pas avec son régiment de Chasseurs Alpins.

– Qui je suis ?… Je suis le caporal… euh !… Justice. C’est ça, je suis le Caporal Justice.
– Mais pourquoi cacher votre visage Caporal Justice ?
– Ma véritable identité pourrait me causer des ennuis.
– Le Caporal Justice a raison, les gars ! Vous vous rendez compte ce qui se passerait pour lui si toutes les femmes connaissaient son vrai visage !

De nombreuses perspectives de stupres et de débauches naquirent dans le pois chiche du Caporal… mais pour l’heure c’était la guerre, il fallait d’abord s’occuper des Allemands avant de s’occuper de toutes les petites coquines de France.

C’est avec ce premier fait d’armes, durant la bataille de l’Artois, que naquit le Caporal Justice. Durant les jours qui suivirent, le super Caporal rentra dans le lard des armées impériales allemandes.
Toujours en première ligne, il se retrouva un jour complètement seul pour défendre une tranchée contre l’ennemi qui arrivait, baïonnette au canon.
Grâce à sa super rapidité il disposa plusieurs fusils le long du parapet et fit feu. En face, les Allemands n’avaient jamais vus un tel déluge de balles.
« Ach ! Es ist nicht wunderbar ! s’exclama un officier Allemand. Il y a au moins dix bataillons en face de nous. Il faut se replier, schnell ! »
Alors qu’en fait les Allemands se repliait face à un seul gusse… trop la honte !… et ce ne sera pas la dernière fois !!

Une autre fois, le caporal fut prit par les Allemands lors d’une mission de reconnaissance avec un jeune lieutenant qui fut blessé.
Amené derrière les lignes ennemies pour y être interrogé, le caporal se retrouva isolé dans une casemate avec un officier Allemand qui le menaçait de son revolver.

– Ach ! Schweine Franzose, tu vas parler ou je te tire une balle dans le genou ?
– Non, désolé monsieur mais je n’ai pas le droit de révéler des secrets militaires à un officier ennemi… surtout si celui-ci se comporte grossièrement et qu’il ne dit pas « s’il vous plaît ».
– S’il vous plaît ?
– Je me tâte… non, je crois que même avec le mot magique, je ne parlerais pas.
– Ach so ! Insolent petit Franzose ! Si tu refuses de parler, j’irais charcuter ton lieutenant et ensuite j’irais faire pipi sur un drapeau français…

Les menaces de tortures envers le malheureux lieutenant blessé et l’éventualité d’un drapeau français souillé d’urine germanique, firent montés aux yeux d’Albert de grosses larmes de désarroi et de chagrin. Comment pouvait-on manquer de respect au plus beau pays du monde ? Comment pouvait-on haïr la France à ce point ?
« Ouiiiin ! » Gémit Albert en rompant ses liens, en saisissant l’arme de l’officier Allemand et en lui défonçant la gueule contre une table.
« Pourquoi tu veux faire du mal à ma France, enculé ? » Reprit-il.
Il empoigna la tignasse de l’officier et commença à s’essuyer les fesses avec sa tronche.
« Ah, tu veux pisser sur le drapeau français ? Eh bien, moi, je me torche le cul avec ta face de Pruscos dépressif ! »
Puis Albert se pencha en avant et fit ce que fera l’Amoco Cadiz soixante-trois ans plus tard au large de la Bretagne, il dégaza outrageusement. Le formidable pet, gaza les lignes allemandes sur plusieurs kilomètres.
Quelques heures plus tard, Albert revenait vers les lignes françaises portant le lieutenant blessé sur son dos et ramenant deux mille prisonniers Allemands sévèrement amochés.
La bataille de l’Artois tournait à la grosse déconfiture pour les Allemands. Leur état-major ne savait plus quoi faire pour éviter une défaite cuisante.
Au petit matin, ils ordonnaient une attaque. Le mouvement de troupes comprenait plusieurs milliers de fantassins et de cavaliers. Dix minutes plus tard la vague d’assaut refluait vers l’arrière, poursuivie par un seul soldat Français armé d’une baïonnette, riant aux éclats et essayant d’attraper les Allemands pour leur piquer leur froc. La plupart des soldats Allemands trottinaient vers leurs lignes en pleurant avec le pantalon sur les chevilles tandis que l’unique soldat Français qui les avait mit en déroute hurlait tout seul au milieu de la zone rouge : « Vivre libre ou mourir… pas touche à la France, bande de gougnafiers ! »
Il y a des stratèges qui se sont tiré une balle dans la tronche pour moins que ça, heureusement que les Prussiens ont une certaine force de caractère.
Dans les rangs français, le nom du Caporal Justice devint célèbre. On racontait ses exploits, ses aventures. Certains s’enorgueillissaient de bien connaître le Caporal. Ils savaient qui il était réellement. Il serait né lorsque la foudre a frappé le flanc d’une haute montagne des Alpes. Ainsi son père était le ciel, vaste et éthéré, et sa mère était la montagne dangereuse et mystérieuse. Lorsque la guerre éclata, le fils du ciel et de la montagne descendit parmi les mortels, harnaché en Chasseur Alpin. Il avait choisi de se battre aux côtés des hommes les plus braves, les plus justes, les plus nobles, les plus beaux, les Français…
Dans l’assistance, certains Poilus pleuraient d’émotion… c’est sensible un Poilu, faut pas croire !
La légende veut aussi que le Caporal se soit soulagé la vessie dans les réservoirs des fameux taxis de la Marne afin que ceux-ci aillent plus vite mais ce n’est qu’une légende… quoique !
Finalement la bataille de l’Artois cessa sans véritable vainqueur mais ce fut tout de même un franc succès défensif grâce au Caporal Justice.
Après les combats, le général Foch insista pour rencontrer ce super soldat. On introduisit le Caporal Justice au QG du général.

– Ah ! Voici donc celui qui se fait appeler le Caporal Justice… Allons, pourquoi garder encore ce foulard sur le visage ?
– C’est que… je suis quelqu’un de très timide mon général.
– Comme vous le souhaitez, Caporal Justice, mais je préfère vous prévenir que notre président Poincaré aura des réticences à remettre la légion d’honneur à un homme masqué.
– Si le président respecte le protocole c’est qu’il est quand même un peu carré.
– Comment, mais… ! C’est son nom de famille, voyons, Raymond Poincaré !… Pas une analogie géométrique sur son caractère… ma parole, mais vous êtes une grosse andouille !
– C’était juste une blague, mon général, un jeu de mot rigolo ! Faut dire aussi que c’est un peu bizarre comme nom : un point carré, alors que généralement c’est rond… comme une queue de pelle.
– C’est impressionnant cette constance dans la connerie ! Vous faites des efforts ou ça vient naturellement ?… Et puis retirez donc ce maudit foulard, à la fin.

Le général tira sur le foulard qui masquait le visage d’Albert et le reconnut aussitôt.

– Nom d’une pute ! Vous ? Décidément vous n’avez pas changé, toujours aussi bourrique !

Albert s’expliqua auprès du général sur les raisons qui l’avait poussé à s’évader du laboratoire scientifique et à rejoindre le front. Comme la plupart des Français, il souhaitait faire sa part dans cette guerre mais aussi, grâce à ses aptitudes, permettre à nombre de camarades de rentrer chez eux sains et saufs. Les accusations de trahison et d’espionnage au profit de l’Allemagne n’étaient que pure invention.

– C’est très noble de votre part, Caporal… Justice ! Mais une guerre fera toujours des morts et vos pouvoirs n’y changeront rien.
– Je veux quand même essayer.
– Le problème c’est que les cohortes républicaines du capitaine Val vous recherchent. Ils feront vite le rapprochement entre les exploits du Caporal Justice et vous et auront tôt fait de vous arrêter… à moins que vous ne soyez pas rattaché à une armée en particulier.
– Comment cela ?
– Si vous êtes un justicier masqué, vous pouvez vous permettre d’aller sur n’importe quel secteur du front. Vous pourrez aller d’une armée à une autre ainsi les cohortes républicaines ne pourront pas fixer de localisation définitive en ce qui vous concerne et auront du mal à se saisir de vous. Vous aurez les coudées franches pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines avant qu’ils ne vous localisent.
– Vous me conseillez d’être mobile ?
– Oui. Et je vous conseille aussi de faire preuve d’un peu plus de jugeote… ainsi que de troquer votre foulard contre autre chose qui fasse plus justicier masqué.

Le général Foch réfléchit un instant puis se dirigea vers sa malle cantine. Il en sortit un demi-masque couvrant la partie supérieure du visage et le tendit au Caporal Justice.

– Tenez ! Mettez cela, vous aurez l’air un peu moins cloche. Mon petit-fils m’en a fait cadeau à la Noël passée… pour jouer au Nyctalope.

Albert mit le masque sur son visage et se regarda dans le reflet d’une vitre qui donnait sur la cour du QG.

– C’est vrai que c’est mieux mais j’ai comme l’impression que je vais devoir partir très vite.
– Pourquoi cela ?
– Une dizaine de gardes des cohortes viennent d’arriver et se dirigent par ici, je reconnais le capitaine Val… je l’ai forcé à embrasser mon cul.
– Bigre ! J’aurais dû m’en douter, vos exploits sur le champ de bataille ont attiré leur attention. Vite, sortez par derrière.

Le Caporal Justice se tourna vers le général et déclina l’offre de fuite discrète.

– Je vais plutôt donner une petite leçon à cette meute de caniches. Ça ne fera que la troisième fois qu’ils auront affaire à moi.

Le Caporal Justice sortit par la grande porte du QG de l’armée et se retrouva face aux gardes et au capitaine Val.

– Enfin on se retrouve ! Exulta le capitaine. Cette fois tu ne m’échapperas pas et je vais enfin venger ma couille droite… Caporal Pistache, sur ordre du commandement militaire tu es aux arrêts de rigueur pour haute trahison et espionnage.
– Il n’y a plus de caporal Pistache, capitaine Val, il n’y a plus que le Caporal Justice.

Le Caporal s’élança vers les gardes en vitesse supersonique. Les quelques témoins de l’incroyable rixe ne virent qu’une pagaille et un nuage de poussière dans lequel furent pris les gardes et le capitaine.
À la fin, la poussière se dissipa. Les soldats furent stupéfaits de voir le Caporal Justice rire à gorges déployé et se dressant fièrement parmi les hommes des cohortes auxquels il avait tiré le slip pour leur mettre sur la tête.

– Ah ah ah ! S’exclama le Caporal. Nul ne peut arrêter le Caporal Justice !
– Caporal Justice, je me vengerai. S’écria le capitaine Val aveuglé par l’étiquette de son slip. Je me vengerai.
– Et moi, je prends la poudre d’estafette, comme on dit !

Albert Pistache quitta le champ de bataille de l’Artois grâce à sa super vitesse. A partir de ce jour il abandonna son état civil officiel pour devenir définitivement le Caporal Justice.
On pourrait croire qu’il partait vers d’autres horizons mais en réalité il rejoignait d’autres fronts. De redoutables vilains attendaient d’être vigoureusement vilipendés par le super-héros de l’armée française.
Depuis la fenêtre de son bureau, le général Foch avait assisté à la naissance d’un super justicier.
« D’escampette, prendre la poudre d’escampette, abruti ! Quand je pense que ce con pourrait devenir super célèbre ! » S’exclama-t-il.

FIN

 

 

Ne manquez pas le prochain épisode des incroyables et inimaginables aventures du Caporal Justice :

« La Main de Massiges (dans ta tronche) »

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