Episode 5 – Offenses Yves sur les balcons

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nnée 1918.

S’il y a bien une chose qui n’a pas eu lieu en presque deux ans… c’est la paix. Au contraire, il semblerait que plus le temps passe, plus la course à la connerie s’accélère. 1917 est notamment marqué par les batailles d’Arras et du Chemin des Dames, la révolution russe et l’entrée en guerre des Etats-Unis et de la Grèce.
1918 ne s’annonçait donc pas sous les meilleurs auspices. Toutefois, bien loin de la France, quelqu’un eut une idée de génie. Le général Franchet d’Espèrey eut l’idée d’une grande offensive… là où tout avait commencé.
Comme tu le sais, cher lecteur (car je ne suis lu que par des gens d’une incroyable culture), la Grande guerre fut déclenchée par l’attentat de Sarajevo.
Depuis plusieurs années, le panslavisme et l’expansionnisme serbe lorgnent les anciens sandjaks de Bosnie et d’Herzégovine tandis que le pangermanisme et l’expansionnisme austro-hongrois reluquent ces mêmes territoires. Finalement en 1908, l’empire d’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie et l’Herzégovine.
Le Serbie était devenue une grande puissance capable de faire de l’ombre à l’empire qui s’étendait sur le nord des Balkans mais ce qui opposait surtout les deux pays étaient leurs doctrines. Le pangermanisme pour l’un et le panslavisme pour l’autre.
Mais les désaccords qui existaient entre l’Autriche-Hongrie et le royaume de Serbie n’eurent jamais de conséquences guerrières. Les choses s’apaisaient toujours grâce au bon fonctionnement de la diplomatie… jusqu’à ce jour de juin 1914, où les assassins de la « Main Noire » s’en prendront à l’héritier de l’empire.
La « Main Noire » était une société secrète, créée et contrôlée par le chef des services secrets serbes et agissant totalement en dehors de quelconques ordres officiels.
Mais l’empire austro-hongrois n’aura cure de ces arguments. Le prince héritier et son épouse avaient été assassinés par des nationalistes yougoslaves, c’était un casus belli… et c’est ainsi que la Grande guerre débuta.
Jusqu’en automne 1915, l’armée serbe est victorieuse face aux troupes austro-hongroises mais en octobre, les armées allemandes, austro-hongroises et bulgares, joignent leurs forces. En quelques mois, le royaume de Serbie est vaincu et envahie par l’ennemi.
Le roi de Serbie, Pierre Ier, et son armée qui avaient échappés de peu à la destruction totale, durent battre en retraite à travers les montagnes albanaises et s’exiler en territoire grec.

En 1918, la Serbie est occupée par les armées austro-hongroises et bulgares depuis trois ans. Les corps expéditionnaires français, plus connus sous le nom d’armée d’Orient, mais regroupant aussi les alliés italien, russe, britannique et grec, soutiendra la guerre sur ce front lointain et méconnu.
Le général Franchet d’Espèrey, qui avait reçu le commandement de cette armée il y a peu, eut donc l’idée d’une offensive visant à reconquérir la Serbie. En cas de succès, le général comptait aussi sur un effet domino. La Serbie libérée, la Bulgarie de Ferdinand Ier serait forcée à signer une paix séparée et cela permettrait à un autre allié de revenir dans la course : la Roumanie… de Ferdinand Ier… parce que en fait les deux pays ont des rois qui ont le même prénom et le même numéro. Forcément, ça peut prêter à confusion. Ce qu’il faut savoir c’est que Ferdinand Ier de Roumanie est gentil et Ferdinand Ier de Bulgarie est méchant. C’est simple, non ?
La Bulgarie neutralisée et la Roumanie revenant dans le conflit, les grands empires centraux seront coupés de leur allié ottoman et la pression militaire forcera l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie à demander l’armistice.
Mais comme toujours il y avait un problème de taille, une énorme couille dans le potage car pour que cette offensive puisse être couronnée de succès il fallait qu’elle soit menée par un grand soldat alliant génie militaire, force herculéenne, charme latin, culture classique et bravoure légendaire.
Voyons ! Turenne… il est mort. Alexandre le Grand… mort aussi. Marsault et Papacito… pas encore nés.
Le général serbe Zivojin Misic leva la main et proposa au général Franchet d’Espèrey, le nom d’un autre héros : le Caporal Justice.
– Proposition intéressante. Répondit Franchet d’Espèrey. Le problème est qu’il sera difficile de maîtriser les conséquences de l’intelligence limitée du Caporal autant que sa propension à sortir sa bite.
– On pourrait lui coller une ceinture de chasteté. Proposa un autre officier.
– Plus sérieusement, nous pourrions surtout compter sur les comparses du Caporal. Reprit un autre. Ils ont aussi des tendances à faire des bêtises mais leurs quotients intellectuels sont à un niveau suffisamment élevé pour permettre de maîtriser les extravagances du Caporal.
– Très bien ! Tentons une offensive avec le célèbre Caporal Justice comme fer de lance. Contactez l’équipage du « Coco l’asticot ».

Lorsque le gigantesque zeppelin s’amarra au-dessus de Salonique, l’état-major visita les nacelles et fut stupéfait de l’aménagement qui y avait été fait.
L’ancienne salle de commandement du comte Cornélius von Pataten, avait été remplacé par un salon douillet et une énorme cheminée trônait dans un coin. Les membres d’équipage ne s’y déplaçaient qu’en pantoufles.
Le général Zivojin Misic fut surpris de découvrir la petite mais glorieuse escouade, présenter les armes dans des uniformes bigarrés… et en charentaises… et en train de faire griller des chipolatas dans la cheminée.
– Est-ce normal, une telle mise ? Demanda Zivojin à Franchet d’Espèrey.
– Non, ce n’est pas normal mais ce sont des francs-tireurs. Répondit le généralissime. Il ne servirait de rien de leur coller des baffes… et puis je parierais que c’est ce qu’ils attendent.
Le général Franchet d’Espèrey exposa le plan de son offensive à l’équipage. Régulièrement interrompu par des considérations d’un tout autre genre que militaire, le haut gradé commençait à avoir la bile qui s’échauffait.
« Qui veut des chipos ? » Fit Horace.
« Il y a de la mayo ? » Demanda Albert.
« Pourquoi ne fait-on pas griller des poissons, pour une fois ? » Se plaignit Mafé.
« Parce que sinon ça va schlinguer le poisquaille dans le salon. » Répondit Panzer Max.
« Parce que les chipos, ça ne sent pas la grillade peut-être ? »
Franchet d’Espèrey mit rapidement le holà aux conneries.
« Ça va ! Je ne vous dérange pas trop avec mes explications tactiques et stratégiques ? C’est vrai que j’essayes seulement de mettre fin à une guerre qui dure depuis quatre ans. Le plus important c’est de savoir s’il y a de la mayonnaise pour ses chipolatas !… Bon, maintenant que nous sommes d’accord sur les priorités, voici donc le plan que j’ai baptisé : « Offensive sur les Balkans »… »
Le Caporal leva la main pour avoir la parole comme un gamin à l’école.
– Oui, qu’y a-t-il encore, Caporal ?
– Je voudrais savoir qui c’est ce Yves et pourquoi c’est si important de l’offenser sur des balcons ?
– Offensive sur les Balkans ! Pas « Offenses Yves sur les balcons » !
– Aaaah ! D’accord ! J’avais pas compris… mais c’est quoi les Balkans ?
– Oh, putain ! Il y a un sacré foutoir dans votre tête ! Foch m’avait pourtant prévenu mais c’est quand même impressionnant.
Le général Misic et un autre officier se portèrent volontaires pour expliquer au Caporal ce qu’était ces fameux Balkans.
Le général Serbe commença par expliquer que ce nom désignait la région de l’Europe du sud-est et que son pays, la Serbie, était un allié de la France au cœur de cette même région.
Mais bien évidemment, vous connaissez les Serbes ! Ça commence tranquillement et soudain ça part en cacahuètes. En général, les Slaves qui parlent de leur pays sont très portés sur la poésie et les grandes envolées lyriques mais lorsque ce même pays est envahi et occupé par une armée étrangère, la poésie se transforme en romantisme échevelé et les envolées lyriques en tragédie baroque, le tout saupoudré de polyphonies en vieux slavon et de kazatchok.
Encore une fois, le général Franchet d’Espèrey dut mettre le holà. Un jeune officier Français prit le relais avec un officier de liaison Américain.
– L’offensive commencera par la libération de la Macédoine qui se trouve dans le sud de la Serbie. Commença l’officier Américain.
– Une minute ! Interrompit Mafé. La Macédoine comme celle d’Alexandre ?
– Ce qu’il faut savoir avec les Balkans, c’est qu’en règle général, la guerre c’est plus ou moins le bordel. Répondit l’officier Français. Mais la guerre dans les Balkans, c’est encore pire et ce n’est rien comparé aux différentes batailles qui ont opposés Roumains et Bulgares ces dernières années. Lorsque les Bulgares criaient « Vive Ferdinand Ier », les Roumains pensaient que les Bulgares étaient des Roumains qui acclamaient Ferdinand Ier. Tandis que lorsque les Roumains criaient « Vive Ferdinand Ier », les Bulgares pensaient que les Roumains étaient des Bulgares qui acclamaient Ferdinand Ier… du coup, c’était une vraie salade… comme les noms des pays !
– C’est pour ça qu’on appelle la Serbie, la Macédoine ?
– Non, la Macédoine c’est une région de la Serbie… Reprit l’officier Américain. Enfin maintenant c’est en Bulgarie mais les Grecs disent que c’est chez eux…
– Et donc… maintenant Budapest est occupée par les Bulgares, c’est ça ?
– Houlà ! Vous mélangez tout, c’est bien normal. Belgrade, la capitale serbe est occupée par les Austro-Hongrois. Tandis que Bucarest, la capitale roumaine, est occupée par les Allemands et non par les Bulgares. Budapest est la capitale de Hongrie qui appartient à l’empire d’Autriche. Enfin, la capitale de Macédoine, c’est Uskub qui est occupée par les Bulgares. Belgrade, Bulgare, Bucarest, Budapest, on confond souvent. Au moins on ne risque pas de confondre avec Sofia.
– C’est qui Sofia ?
– C’est la capitale bulgare.
– D’accord !… Donc nous, nous sommes ici en Grèce, pour aller en Macédoine, pour reconquérir la Serbie sur les Bulgares.
– C’est ça ! Vous avez tout compris, ce que vous êtes intelligent quand même. Vous savez que chez moi, à Albany aux Etats-Unis, il y a un proverbe qui dit que les gens intelligent ont l’avenir du monde entre leurs mains.
– Mais où s’étaient réfugiés les Serbes qui ont fuis l’invasion autrichienne et bulgare ?
– À Corfou, après avoir traversé l’Albanie.
– Comment ! Mais alors… ils auraient fait un détour jusque chez vous en Amérique ?
– Non, voyons ! Vous confondez Albany et Albanie. Moi, je suis d’Albany, donc je suis Américain. Si j’étais d’Albanie, j’aurais un léger problème avec la Serbie et le Monténégro.
– On parle de moi ? Demanda Mafé.
– Du tout. Nous parlions du Monténégro.
– Mais c’est quoi le Monténégro ?
– C’est un pays des Balkans, allié à la Serbie. Le projet de Pierre Ier est d’unir ces deux pays sous une même couronne avec les Slovènes et les Croates.
– Et ils viennent d’où ceux-là ?
– De Hongrie, évidemment !… vous voyez comme c’est simple la géopolitique des Balkans… en fait, la seule chose qui soit réellement compliqué, c’est le découpage des territoires serbes, croates et bosniaques en Bosnie…un peu aussi en Herzégovine mais pas tant que ça finalement.
– Vous dites que vous êtes d’Albany ? Renchérit Albert. C’est marrant parce que j’ai un oncle qui habite Albany.
– Tu as un oncle qui vit aux Etats-Unis ? S’exclama le Caporal.
– Mais non voyons ! Albany en Australie.
– Alors que moi, c’est Albany en Géorgie.
– Il y a un instant vous me disiez que vous étiez Américain et maintenant vous me dites que vous êtes Géorgien ?
– Géorgien de Géorgie en Amérique, pas Géorgien de Géorgie dans le Caucase.
– Pour faire simple. Reprit Albert. Le nom Albany en anglais n’a rien à voir avec l’Albanie puisque c’est d’origine écossaise et que cela signifie « blanc ». Étymologiquement, le nom Albanie vient du grec, signifiant « pays montagneux ».
– Sans oublier l’Albanie du Caucase, actuellement en Géorgie, dont l’origine du nom à la même racine que l’Albany écossaise intégrée dans la langue anglaise.
– Exactement ! C’est un peu comme si l’on confondait Bologne l’italienne et Cologne l’allemande.
– Où la Sologne qui est française avec la Pologne qui est allemande, russe ou autrichienne.
– Sans compter la Lituanie !
Soudain Horace arriva et intervint de justesse.
– Non mais vous êtes complètement malades de lui parler de trucs pareils. Regardez dans quel état vous nous l’avez mis. Il ne bouge plus, il a l’œil vitreux et le teint pâle. Vous lui avez embrouillés le pois chiche avec vos conneries géographiques… il va mettre une semaine pour s’en remettre.
– Mais nous pensions qu’il avait compris… c’est con parce je m’apprêtais à lui demander son avis sur les évolutions territoriales des Pays-Bas bourguignons, espagnols et autrichiens.
– Malheureux ! Si vous aviez commencé à lui parler de la Belgique, on le perdait définitivement.
– C’est ballot parce que c’est un sujet tellement simple.
– Pff !… Prétentieux, va !

Finalement le général Franchet d’Espèrey décida de faire un condensé qui permit au Caporal de mieux comprendre la situation :
« Austro-Hongrois et Bulgares = méchants. Serbes et Roumains = copains. Avec copains, péter la gueule aux méchants. »
Le Caporal, remit de ses émotions, déclara avec un naturel déconcertant :
– Mais pourquoi vous n’avez pas exposé votre stratégie de cette manière dès le début ? On aurait évité de perdre un temps précieux avec vos explications tirées par les cheveux. J’ai presque envie de dire, mon général, que vous avez balkanisé l’idée même de simplicité inhérente à la géostratégie militaire.
– Moi, je vais te balkaniser la gueule, ça va te faire tout drôle !
Horace réconcilia tout ce petit monde avec un second service de chipolatas. Tandis que les officiers d’état-major consultaient les cartes du futur théâtre d’opérations en utilisant leurs chipos pour pointer un objectif ou une ligne de progression, un officier Grec quitta discrètement le zeppelin et se rendit dans le labyrinthe de ruelles étroites de Salonique.
Il entra dans un immeuble et ôta son uniforme. L’homme était en réalité un espion Turc. Il s’approcha d’un recoin plongé dans l’obscurité et commença à transmettre les informations qu’il avait recueilli dans le zeppelin à son contact qui se tenait dans l’ombre.
À la fin de l’exposé, l’espion Turc demanda à son interlocuteur ce que comptait faire l’état-major allemand qui contrôlait désormais les armées autrichiennes, contre ce projet d’offensive.
– Ils vont lancer un super héros dans la bataille ? Nous lancerons donc contre eux les super méchants de l’Alliance.
– Comment ! Les terribles Vilipendeurs ?
– Exactement ! Les Français et leurs alliés vont se faire défoncer !
Toujours tapit dans l’ombre, l’interlocuteur secret émit un petit rire vicieux et sardonique puis cracha au sol un morceau de saucisse de Francfort mâchouillé… (effroi !)

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La grande offensive planifiée par le général Franchet d’Espèrey commença par la bataille du Dobro Polje. Dans les Balkans comme à l’ouest, la ligne de front semblait impossible à briser. Mais l’offensive franco-serbe emporta les ouvrages de première ligne de l’armée bulgare.
Le Caporal Justice et l’équipage du « Coco l’asticot » allaient d’une position ennemie à une autre à travers les sommets du Dobro Polje et du Sokol.
Les soldats Français les rejoignirent très vite puis se furent les Serbes stupéfaits par la rapidité de l’avancée de ces étranges alliés Français.
– Comment avez-vous fait pour arriver si vite dans cet endroit ? Demanda un Serbe à un Français. Ce site montagneux est considéré comme difficilement accessible.
– Nous autres, Français, sommes capables de faire des trucs qui peuvent paraître complètement dingue aux autres. Comme créer des pays à partir du néant comme les Etats-Unis ou l’Algérie… et grimper sur des montagnes réputées inaccessibles.
– Vous êtes un peuple si incroyable. Fit le Serbe émerveillé. Bon ! C’est pas tout ça mais il faut combattre les Bulgares. Nous autres, Serbes, sommes fin prêts à en découdre.
– Vous n’y pensez pas. Reprit le Français. Le Caporal Justice et ses potes sont en train de nous ouvrir la voie en fichant des trempes aux ennemis qui tiennent les premières lignes. Lorsque ce sera terminé, nous n’aurons plus qu’à cueillir leurs positions.
Les soldats Serbes, émus par la gentille attention des Français, entonnèrent en leur honneur des chants traditionnels et patriotiques.
« C’est mignon de leur part. S’exclama un soldat Français. Mais j’aurais préféré un barbecue. »
L’issue de la bataille ouvrit la porte de la Macédoine aux Alliés et coupa en deux l’armée bulgare. La grande campagne de Macédoine commençait.
Le Caporal et ses fidèles compagnons, toujours en avant-garde de l’armée franco-serbe, eurent ensuite pour mission de prendre la ville d’Uskub… par surprise.
– Comment ça, par surprise ?
– Vous entrez dans la ville et par un quelconque stratagème, vous neutralisez les gardes. Répondit Franchet d’Espèrey. Cela laissera le temps à l’armée de manœuvrer et vous n’aurez plus qu’à nous ouvrir les portes de la ville.
Le Caporal, Horace, Albert, Mafé et Max partirent seuls pour affronter le reste de l’armée bulgare qui tenait garnison à Uskub. La stratégie qu’ils décidèrent d’appliquer était d’une simplicité enfantine et reposait entièrement sur la force de persuasion propre aux Français.
Un matin, les sentinelles Bulgares, en état d’alerte depuis le début de l’offensive franco-serbe, eurent la surprise de voir arriver cinq clampins qui exigeaient de rencontrer le commandant de la place d’Uskub.
Le général Youri Patapov accepta de rencontrer les cinq soldats et les sentinelles les accompagnèrent, fusils à la main et baïonnettes menaçantes, jusqu’à la forteresse de la ville.
Le commandant des forces bulgares à Uskub, reçut les cinq visiteurs avec beaucoup de circonspection.
– Je suis général Youri Patapov. Qu’est-ce que vous venez faire ici ? Vous rendre ?
– Certainement pas, mon général. Croyez-le ou non mais nous avons pour ordre de prendre cette ville par surprise.
– C’est pas possible ?
– Je vous assure… donc… Surprise !!!
Les Bulgares, stupéfaits par cette audacieuse manœuvre et ce culot typiquement français, se rendirent aussitôt. Les historiens retiendront ce cas inédit dans la science de la poliorcétique sous le nom de « Manœuvre d’Uskub » encore enseigné à l’Ecole de guerre et dans les plus prestigieuses académies militaires à travers le monde.

Les forces bulgares étaient maintenant coupés en deux par la rapide progression des armées alliées. Quelques jours plus tard, la Bulgarie reconnut sa défaite en acceptant les termes d’un armistice, se retirant ainsi du conflit.
La reconquête de la Serbie pouvait commencer.

L’armée Serbe soutenue par l’équipage du « Coco l’asticot », entama l’héroïque et patriotique reconquête nationale en entrant au Kosovo.
« Nous sommes chez nous ! Criaient les Serbes. Nous sommes au Kosovo, nous sommes en Serbie. »
« Nous foulons de nouveau le vieille terre serbe du Kosovo. »
« Ovo je Kosovo ! Ovo je Srbija ! »
« Kosovo je Srbija ! »
L’armée arriva dans la ville de Kosovo Polje où elle fut acclamée par les habitants Serbes et Albanais pro-Serbes. La libération de la province emblématique se fit dans la liesse mais des réfugiés vinrent prévenir les libérateurs qu’un grand danger les guettait.
Le général Zivojin Misic donna la parole aux civils qui avaient fuis les opérations de destruction et de pillage que le haut commandement allemand avait ordonné.
– Dans tout le pays, les Allemands et les Austro-Hongrois se livrent à un déchaînement de violences. Racontèrent les réfugiés. Ils pillent et détruisent les grandes villes, sabotent les routes mais surtout il y a une unité spéciale qui s’est déployé à Belgrade.
– Quel genre d’unité ? Infanterie, cavalerie ?
– Rien de tout cela. Ils les ont appelés les… Vilipendeurs.
– Et que sont ces fameux Vilipendeurs ? Les avez-vous vus ?
– Ils sont terribles et sans pitié. Les armes qu’ils utilisent sont effrayantes. L’un d’entre eux a utilisé une drogue pour forcer les Serbes à accepter l’occupation étrangère. Ils appellent ça le « Vivre-ensemble ».
– Quel effroi !
– Et ce n’est pas tout. Il y en a un qui utilise une armure qui le rend aussi fort qu’une centaine d’hommes et un autre commande aux objets de se déplacer par la seule force de son esprit. Cela lui a permit de bombarder et d’écraser toute une ville avec plusieurs tonnes de bombes sans que l’on puisse voir d’où elles venaient.
– C’est réellement monstrueux mais vous avez dit que cette unité avait été déployé à Belgrade.
– C’est vrai mais c’était dans le but de détruire la ville, maintenant ils doivent être en route pour le Kosovo.
– Dans ce cas, ils affronteront la glorieuse armée Serbe ainsi que les héroïques compagnons du Caporal Justice.
– Oui parce que le Caporal Justice aime la Serbie et le peuple serbe. Déclara notre super héros préféré. Portons-nous à la rencontre de ces Vilipendeurs et empêchons-les de ravager le Kosovo, cette magnifique province, berceau de la culture et de l’histoire serbe.

L’armée reprit la route vers le nord et força le pas afin d’établir rapidement un contact avec ces étranges et effrayants ennemis qu’étaient les Vilipendeurs. À Kosovska Mitrovica, ils tombèrent nez à nez avec ces derniers qui leur barraient le passage.
Le premier était entièrement revêtu d’une armure rouge et or et frappée d’un grand croissant. Le second était coiffé d’un casque et tenait un grand marteau entre ses mains. Le troisième portait à ses poignets de gros bracelets équipés d’arbalètes et propulsant de petites seringues… et le dernier était déguisé en yaourt.
Les soldats Serbes s’apprêtaient à en découdre avec ces redoutables adversaires. Le Caporal Justice, à la tête des fiers et nobles combattants, s’adressa aux Vilipendeurs.
– Je suis le Caporal Justice, le super héros de l’armée française. Avec moi, j’ai toute une armée de héros, ceux de la grande nation serbe.
Le Vilipendeur qui portait un casque et qui était armé d’un grand marteau s’avança à son tour. Un rire cruel déforma son visage ingrat et boutonneux puis il prit la parole.
– Comment ! Un seul super héros et Français de surcroît ? Accompagné d’une misérable armée de barbares Slaves ? Se moqua le Vilipendeur. Nous sommes la ligue des supers héros des grands Empires, nous sommes les Vilipendeurs. Nos technologies sont issues des recherches scientifiques de nos pays respectifs.
L’homme en armure rouge et or et frappée d’un croissant s’approcha. L’homme au marteau le présenta.
– Voici Tüladanlkü Türlütütü, colonel de l’armée Turque. Son armure de métal, forgée dans les hauts fourneaux d’Istanbul, est résistante aux balles de fusils et de mitrailleuses et lui permet de bénéficier d’une force surhumaine, d’être fort comme un Turc !
– Wallah ! Sur le Coran de la Mecque, je sers le sultan Ottoman, je suis Auto Man.
L’homme aux gros bracelets équipés d’arbalètes s’approcha à son tour.
– Voici Hidé Ology-Moizy, médecin militaire de l’armée austro-hongroise et chef du programme scientifique visant à transformer ces gros cons de Slaves en moutons dociles. Les seringues qu’il projette à l’aide de ses bracelets, injectent dans le sang une forte dose d’ocytocine, une hormone qui accroît la confiance, l’empathie et la générosité envers les étrangers. C’est la clé pour le vivre-ensemble… et surtout pour imposer notre volonté aux patriotes et aux nationalistes.
– Je suis moitié Autrichien, moitié Hongrois. Je suis moitié Tchèque, moitié Slovaque. Déclara le scientifique Hongrois. Je suis Kosmo Polite. Vive le métissage et le vivre-ensemble !
Celui qui était déguisé en yaourt s’avança enfin. L’homme au marteau sembla hésiter à le présenter mais se lança tout de même.
– Et voici… Boris Jeanpierrekov, de l’armée bulgare… L’élaboration de leur super héros prenait beaucoup trop de temps alors dans la précipitation, ils se sont rabattus sur le symbole national. Le yaourt bulgare.
– Je suis le Yaourt bulgare… au glyphosate !
Le Caporal revint vers l’homme au marteau.
– Et toi, tu ne t’es pas présenté. Dit-il. Qui es-tu ?
– Je suis Ushtim Çelik Kelmendi mais on me connaît aussi sous mon acronyme : UÇK. Je suis le symbole d’un Kosovo Albanais, indépendant et purgé de tous ces sales Serbes. Mes pouvoirs mentaux, décuplés grâce à une machine que tu connais bien, Caporal Justice, le CAMOR, me permettent de contrôler la matière et de créer des tapis de bombes à partir de rien. Je suis AlbaNATO !
– Tu as entendu, Caporal ? S’exclama Horace. Le CAMOR serait de nouveau en service ?
– Oui, cela signifierait que ce sont ces gredins d’Allemands qui sont derrière la création des Vilipendeurs. Organisons-nous pour la bataille. AlbaNATO est l’ennemi déclaré du peuple serbe, laissons à ces derniers l’honneur de botter le fion de l’UÇK. Horace et Max, votre amour de la France vous immunisent naturellement contre le vivre-ensemble, vous vous chargerez de Kosmo Polite. Mafé, tu t’occuperas du Yaourt Bulgare. Albert et moi, nous combattrons Auto Man.
La grande bataille pour un Kosovo serbe débuta. L’armée serbe se lança dans une charge à la baïonnette contre AlbaNATO qui déclencha sur eux un déluge de bombes.
Albert Jacka et le Caporal Justice affrontèrent à coups de poings, le redoutable Auto Man tandis que Kosmo Polite tentait de convertir Max et Horace au multiculturalisme. Le Yaourt bulgare se dressa devant Mafé et se moqua de lui.
– Muahahahah ! Alors le bamboula, tu crois que tu pourra vaincre la puissance légendaire du Yaourt bulgare ?
– Personnellement, je préfère les yaourts à la grecque.
– Les yaourts à la grecque, c’est de la merde ! D’ailleurs tout ce que vous pouvez manger, c’est de la merde ! Le Yaourt bulgare éduquera votre façon de consommer. On mettra du glyphosate partout et on vous fera croire que c’est bon pour la santé… et vous autres, les peaux de boudins, on vous fera crever de faim.
– Quoi ! Mais qu’est-ce que c’est que cette mentalité de con ?… je vais te chicoter !
Le tirailleur se jeta sur le Yaourt bulgare et le mordit profondément aux mollets. Boris Jeanpierrekov, effrayé par l’agressivité du tirailleur Sénégalais, préféra prendre la fuite mais Mafé le poursuivit en faisant claquer ses dents.
– Au secours ! Le bamboula veut me manger !
– Je vais te chicoter… je vais te chicoter !

Kosmo Polite lança sur Horace et Max plusieurs doses de son ignoble poison mais à sa grande stupéfaction, l’hormone n’eut aucun effet sur le cantinier et le légionnaire qui rigolèrent de bon cœur.
– Pauvre con ! S’exclama Horace. Je suis un pur produit de la culture française. Ton hormone miracle pour inciter au métissage et au multiculturalisme ne peut pas fonctionner sur l’originalité et la spécificité des identités françaises.
– Et j’ajouterais qu’étant d’origine allemande, j’ai choisi de devenir Français en raison de ces fortes identités contre lesquelles, la lèpre du multiculturalisme ne peut absolument rien. Renchérit Max.
Les deux Poilus se ruèrent sur Hidé Ology-Moizy et lui défoncèrent la gueule à coups de croquenots en criant : « Vive la France éternelle, sale fils de pute ! »

Albert, fidèle à sa tactique habituelle, rentra dans le lard d’Auto Man à coups de poing. Le colonel Türlütütü fut impressionné par la combativité de l’Australien et surtout par le fait que ses crochets du gauche déformèrent une partie de son armure.
Il appuya sur un petit bouton et une lame de couteau surgit de son bras mécanique.
« Fulgurante attaque au couteau ! » Cria Auto Man.
Le colonel Türlütütü asséna un coup de couteau dans le cou d’Albert qui, blessé, s’effondra au sol en portant ses mains à sa blessure.
– Muahahahah ! Chien d’Australien !
– Saperlipacha ! Tu vas payer cher ta fourberie. S’exclama le Caporal.
– Compte là-dessus et bois de l’eau, le croisé Français ! Je t’ordonnes de te convertir.
– Me convertir ? Mais à quoi ?
– À l’Islam.
– Pourquoi faire ?
– Cette question ! Parce que l’Islam est la vraie religion.
– Je ne vois pas l’intérêt de me convertir à cette religion, vu que d’une part ce n’est pas du tout ma culture et que d’autre part, la vraie religion, c’est le christianisme. Donc théoriquement, ce serait plutôt à toi de te convertir.
– Mais tu vas lui défoncer la gueule au lieu de bavasser comme une commère ! Gourmanda Albert.
– Insolents ! Je vais vous châtier, chiens de Chrétiens !
Auto Man s’élança vers le Caporal et lui porta un violent coup de poing au visage… qui démolit le bras du colonel Turc.
« Tu l’as dans le cul, Tüladanlkü ! Je suis le Caporal Justice et je suis indestructible. »
Le Caporal saisit Auto Man par les pieds, le secoua comme un prunier, l’écrasa contre le sol, l’éclata contre un rocher. L’armure d’Auto Man n’était plus qu’un assemblage de pièces de métal déformées, tenant entres elles par des câbles et pendant lamentablement de leur porteur.
– Alors ? Demanda le Caporal.
– C’est d’accord, je me convertis. Répondit Tüladanlkü. Ça va si je choisi le culte protestant ?
– Ah non ! On a dit : conversion au christianisme, pas à une hérésie. C’est soit le catholicisme, soit l’orthodoxie ou encore les Maronites, les Chaldéens, les Syriaques…
– D’accord, l’orthodoxie me va très bien… Istanbul, j’ai les boules !

AlbaNATO déversa une pluie de bombes sur les soldats serbes mais ce manteau de feu et d’acier mortel n’entama pas la détermination d’un peuple qui luttait depuis toujours contre la domination étrangère. Des milliers de soldats tombèrent sur AlbaNATO et lui éclatèrent tellement la gueule que l’UÇK criminelle serait condamné à bouffer de la purée avec une paille jusqu’à la fin de ses jours.
Les Vilipendeurs avaient été vaincus mais la victoire n’était pas totale. Mafé avait disparu, il continuait de poursuivre le Yaourt bulgare, et Albert avait été blessé au cou. Il irait rejoindre un hôpital militaire à Pristina. Le combattant Australien quitta à regret ses camarades.
Le Caporal Justice, Horace Pélardon et Max Mader, à la tête de l’armée serbe continuèrent leur progression en Serbie et jusqu’à Belgrade.
La capitale avait été ravagée par les pillages et les incendies. Avant d’ordonner la retraite des troupes allemandes et austro-hongroises, l’état-major du général Friedrich von Scholtz ordonna une politique de terre brûlée… avec la terre des autres, c’est plus commode.
Lorsqu’ils découvrirent le triste visage qu’offrait Belgrade, Max ne put s’empêcher de s’émouvoir.
– J’ai beau me dire que je suis d’origine allemande, je n’arrives pas à croire qu’ils aient pratiquement rasé cette ville.
– Tu dis ça parce que maintenant tu es Français, tu es notre copain… tu veux un câlin ?
Max s’apprêtait à répondre au Caporal lorsqu’une unité d’artillerie allemande, restée en arrière, ouvrit le feu sur nos héros.
L’obus explosa à quelques mètres d’eux. Le Caporal vola en l’air tandis que le panzer qui sommeillait en Max se réveilla.
« Oh, putain ! Ces fumiers nous ont tirés dessus avec du 77… Ça va chier ! Je vais tous vous défoncer ! » Hurla Panzer Max en courant après les artilleurs qui prenaient la fuite face à cet espèce de dingo qui leur balançait des morceaux de briques à travers la tronche.
Les soldats Serbes, impressionnés, prêtèrent main forte à Panzer Max et firent prisonniers les artilleurs Allemands.
Max retourna auprès du Caporal et d’Horace mais les deux soldats s’inquiétèrent pour leur camarade.
– On va t’amener à l’antenne médicale de l’armée serbe.
– Pourquoi ? Je vais très bien.
– Manifestement, si on te laissait faire, tu irais jusqu’à Berlin… seulement… comment dire ?… pour faire la guerre, il faut généralement avoir ses deux bras… et toi, maintenant, il te manque le droit… tu avais remarqué que l’obus de 77 t’avais arraché le bras droit ?
– Et après ?… Qu’est-ce que c’est que cette discrimination ? Parce que je suis manchot, je n’aurais pas le droit de faire la guerre ?
– C’est surtout que tu pisses le sang comme un connard !
– Vous dites ça parce que je suis en train de dégueulasser le sol avec mon sang ? Je ne veux pas ma la péter mais je connais de très bons trucs de grands-mères pour nettoyer le sang et sans me vanter, je suis certainement…
Max ne termina pas sa phrase et tomba dans les pommes. Un convoi spécial lui fit rejoindre l’hôpital où l’attendait le pote Albert.
Belgrade fut enfin libérée, délivrée… c’était le 1er novembre 1918. Qui aurait cru que dix jours plus tard, la guerre prendrait fin aussi rapidement et aussi brutalement qu’elle fut déclenchée.
Mais dans ce court laps de temps, il se passa encore plein de choses…

Vienne, le 2 novembre 1918.
La capitale de l’empire d’Autriche-Hongrie résonnait des nouvelles catastrophiques du front. L’empereur Charles Ier, perdait chaque jour un peu plus de son autorité et la dislocation de l’empire s’accentuait tout aussi rapidement.
Mais autre chose résonnait dans les rues de Vienne, un appel, un cri d’alarme.
L’empereur Charles Ier, se rendit à l’extérieur de son palais viennois de Schönbrunn et tendit l’oreille. L’appel, le cri se rapprochait et se fit plus perceptible.
– À moi ! Au secours ! Un bamboula veut me manger !
– Je vais te chicoter les mollets !
L’empereur Charles Ier se tourna vers l’un de ses gardes et lui demanda s’il avait bien entendu.
– Vous avez bien entendu, Votre Majesté… Il semblerait qu’un tirailleur Sénégalais veuille manger un officier Bulgare déguisé en… yaourt bulgare.
– Tiens donc ! C’est plutôt original.
– Effectivement, ce n’est pas courant.
– Amenez-les moi. Cela me fera une distraction dans cet océan d’embêtements.
Mafé et Boris Jeanpierrekov furent amenés auprès de l’empereur qui leur demanda ce qu’ils faisaient au beau milieu de la capitale autrichienne.
Les deux hommes racontèrent à l’empereur la campagne de Serbie et l’héroïque bataille de Kosovska Mitrovica.
– Ensuite, cet Africain m’a mordu aux mollets et m’a poursuivit à travers toute la Serbie, la Hongrie et jusqu’ici en criant qu’il voulait me manger. Se plaignit Boris.
– Vous êtes tout de même déguisé en yaourt. Souligna l’empereur. Et personnellement, je préfère les yaourts à la grecque.
– C’est marrant ça, parce que moi aussi. Précisa Mafé.
– Mais dites-moi, monsieur Mafé, votre nom ne m’est pas inconnu. Renchérit l’empereur. Auriez-vous un lien quelconque avec le grand écrivain Sénégalais ?
– Alors ça, Votre Majesté, avouez que c’est plutôt rigolo parce que justement, c’est moi. Je suis cet écrivain.
– Ça alors ! Vous savez que mon épouse, l’impératrice Zita, a adoré « Les lettres de ma savane » et « Les baobabs du mal » ? Je serais ravi de vous la présenter pour que vous lui dédicaciez vos ouvrages… mais il y a une difficulté.
– Laquelle donc, Votre Majesté ?
– Je suis l’empereur d’Autriche et vous êtes un combattant Français… et vous… le Yaourt bulgare… vous représentez un pays qui est supposé n’être plus en guerre.
– L’offensive du général Franchet d’Espèrey a permit de percer le front des Balkans. Répondit Mafé. Les armées allemandes et austro-hongroises sont en train de se replier donc théoriquement, la guerre est sur le point de se terminer.
– Vous avez raison. Dès ce soir, je transmettrais à mes diplomates l’ordre d’accepter les conditions d’armistice des Alliés. En attendant, vous serez officiellement considéré comme un prisonnier de guerre… officieusement, comme mon invité.
– Ce serait un honneur, Votre Majesté.
– Et moi, alors ? Demanda Boris.
– Je suis navré, monsieur Jeanpierrekov mais nous sommes très à cheval sur le bio, pas de glyphosate au palais.
– Ouiiin ! C’est pas juste !
Tandis que les gardes impériaux emmenaient le Yaourt bulgare en détention, l’empereur Charles fit découvrir son palais à Mafé.
« C’est drôlement chouette le baroque autrichien ! »

Hôpital militaire de Pristina, le 5 novembre 1918.
Max et Albert se retrouvèrent chez les éclopés. Les autres blessés, Serbes, Italiens, Grecs et Britanniques regardaient ces deux fêlés qui réclamaient de repartir au plus vite à la bagarre, avec curiosité.
– Non, monsieur Jacka, monsieur Mader, vous ne quitterez pas cet hôpital. Déclara une infirmière. Vous êtes blessés, vous devez vous reposer et de toute façon vous êtes déjà des héros.
– Rien à cirer d’être des héros ! Répondit Max. On veut de la bagarre !
– De toute façon si on ne va pas à la guerre, la guerre viendra à nous ! Renchérit Albert.
Au même instant une sirène d’alerte aux bombardements retentit. Un médecin entra dans la salle des convalescents et ordonna une évacuation immédiate de l’hôpital car un bombardier allemand avait été repéré s’approchant de la ville.
Tous les blessés furent évacués mais Albert et Max exigèrent de rester.
– Vous êtes complètement cinglés. Déclara l’infirmière. Ce bombardier pourrait lâcher des bombes sur l’hôpital.
– Justement, la guerre vient à nous, on ne se défilera pas.
Soudain une bombe de plusieurs dizaines de kilos traversa le plafond et vint s’échouer non loin de nos deux fiers Poilus.
– Oh, mon Dieu ! Une bombe !
– T’inquiètes paupiette ! On est des pros, on va vous désamorcer ça en deux coups de cuillère à pot.
– Vous êtes des malades. Moi, je me barre !
À l’extérieur, l’infirmière rejoignit le reste du personnel médical et les autres blessés. Elle leur raconta la tentative héroïque d’Albert et Max.
– Ces deux oiseaux n’ont peur de rien. S’exclama le directeur de l’établissement. Prenez-en de la graine, on élèvera des statues en l’honneur de ces rudes gaillards…
Soudain l’hôpital entier fut pulvérisé par une formidable explosion qui creusa un profond cratère dans le sol et qui dispersa l’hôpital façon puzzle.
« Les fils de pute ! S’écria le directeur. Ils ont niqués mon hôpital ! »
Quelques instants après, les deux Poilus rejoignirent le personnel et les autres blessés. Le souffle de l’explosion avait transformé leurs uniformes en lambeaux noircis et fumants mais les deux bonshommes affichaient l’air satisfait des braves qui avaient fait leur devoir.
– Finalement, on n’a pas réussi à désamorcer cette bombe. Fit Max.
– Je pense même que c’est nous qui l’avons fait péter. Reprit Albert. On a dû tripoter les mauvais fils… il y en avait tellement !
– Décidément, la date du 5 de novembre est maudite. Ces jours-là, il y a toujours un bâtiment qui pète… Cette année c’est tombé sur votre hôpital. Pas de chance !

Sur le front ouest, l’armée allemande restait invaincue. L’offensive du général Franchet d’Espèrey sur le front des Balkans permit de déverrouiller une situation militaire bloquée depuis quatre ans.
Avec la perte des alliés bulgares et austro-hongrois, l’Allemagne se retrouva seule pour affronter des ennemis qui menaçaient désormais de toutes parts. Il devenait urgent de sauver les meubles, en l’occurrence le territoire national allemand. Lüdendorff conseilla donc d’accepter un armistice.
Le 11 novembre 1918, à cinq heures quinze du matin, l’Allemagne signera l’armistice à Rethondes. Quelques heures plus tard, la fin des hostilités sera signifiée sur l’ensemble du front par l’intermédiaire des soldats clairon, mettant ainsi fin à quatre longues années d’une guerre meurtrière.
Les clairons sonnèrent la cessation des hostilités mais ils sonnèrent aussi le glas de puissantes et anciennes monarchies en Europe et au Proche-Orient puisque les empires allemand, austro-hongrois, russe et ottoman ne survivront pas à la fin de cette guerre.
L’ancien monde prit ainsi fin et un nouveau monde surgit de ses cendres et dans le fracas des bombes et des fusils. Ce monde ne sera pas pire que l’ancien mais il ne sera pas non plus meilleur. Comme toujours, si les guerres puent le sang et la merde, les paix, comme celles du traité de Versailles, ont un goût de vomi ravalé…
Toutefois, chers lecteurs, je tiens à vous rassurer. Si cette guerre est bien finie, si la « Belle époque » n’est plus, si le vieux monde est mort… quelque chose a survécu… la victoire sur l’Allemagne et ses alliés ne signifie pas la victoire sur les cons, les traîtres et les ennemis de la France. Cette racaille puante et infecte est apatride et aura toujours de la ressource.
Le Caporal Justice sera toujours aux aguets pour défendre notre belle France et défoncer la gueule des ennemis de notre beau pays.
Le « Coco l’asticot » continuera de sillonner les cieux à la poursuite de l’aventure avec un grand « A ». Le Caporal et Horace rejoignirent leur zeppelin et quittèrent Salonique pour aller récupérer le pote Sénégalais.
– Le pauvre Mafé. Se lamenta le cantinier d’élite. Il doit vivre un véritable enfer dans les geôles sombres et humides des Austro-Hongrois.
– M’en parles pas ! Depuis que je sais qu’il est prisonnier de guerre à Vienne, je n’arrives même plus à faire caca !

Pendant ce temps, dans un confortable et douillet salon du palais de Schönbrunn à Vienne…
L’empereur Charles venait de recevoir la médaille qu’il avait commandé auprès d’un artisan et la remit à Mafé.
– Voilà ! Fit l’empereur. Monsieur Mafé, je vous remet l’ultime médaille de la Signum Laudis frappée de mon effigie… et datée de l’année 1919.
– Mais pourquoi y avoir gravé une année qui n’a même pas encore commencée ?
– Les jours de mon empire sont comptés mais je n’abdiquerais certainement pas. J’ai antidaté cette ultime médaille pour emmerder les collectionneurs.
– Ils l’ont bien mérités, Votre Majesté.
Tandis que l’empereur et le tirailleur riaient de bon cœur, l’impératrice Zita arriva avec un plateau.
– Le chocolat chaud est prêt ! J’espère, monsieur Mafé, que vos conditions de détention ne sont pas trop éprouvantes.
– C’est quand même dur d’être prisonnier de guerre dans un palais baroque autrichien.

FIN

Ne manquez pas le prochain épisode des incroyables et inimaginables aventures du Caporal Justice :

Réserve War Dogs

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